ABD EL-KADER

ABD EL-KADER
ABD EL-KADER

Abd el-Kader (en arabe: ‘Abd al- バ dir b. Mu ムy 稜 l-D 稜n al- ネasan 稜), né en 1808 à la Guetna de l’oued al- ネamm m, à l’ouest de Mascara (ou Mouaskar, Algérie), appartenait à une famille d’origine chérifienne qui dirigeait une z w 稜ya (sorte de couvent) de la confrérie des バ diriyya. L’éducation religieuse qu’il reçut fit de lui un musulman mystique et un théologien. Mais les circonstances le transformèrent en guerrier. Devenu soldat pour défendre la terre d’Isl m, sa tentative de créer un État indépendant devait laisser un souvenir prestigieux: il est célébré aujourd’hui comme le fondateur de la nation algérienne.

Proclamé «sultan des Arabes» par quelques tribus de l’Oranie le 22 novembre 1832, Abd el-Kader s’imposa par une victoire sur les milices de l’ancien bey turc et mena avec bravoure, pendant quinze ans, la guerre sainte contre les Français. Jusqu’en 1838, toutefois, ceux-ci l’aidèrent à asseoir sa souveraineté sur les deux tiers de l’Algérie. Les généraux français, Desmichels puis Bugeaud, après l’avoir combattu, crurent devoir négocier avec lui dans l’espoir d’instaurer un protectorat.

Abd el-Kader en profita pour étendre son autorité dans les provinces d’Oran, d’Alger, du Titteri et jusque dans le Constantinois et organiser un État arabe. Les fondements en furent essentiellement islamiques et les dirigeants recrutés parmi l’aristocratie religieuse, ce qui entraîna l’opposition de la noblesse d’origine militaire, les jawad , et la méfiance des tribus kabyles, jusque-là quasi indépendantes. Abd el-Kader commença pourtant à unifier son État en supprimant la distinction traditionnelle entre tribus makhzen privilégiées et tribus sujettes exploitées, puis en percevant partout comme impôt la zakkat (dîme coranique). Il le fortifia en le dotant d’une armée de 10 000 volontaires rétribués, d’une ligne de places fortes et d’une capitale, Tagdempt.

Lorsqu’il crut que le temps jouait en faveur des Français, il reprit la lutte en novembre 1839 et envahit la Mitidja, où étaient déjà installés des colons. Une grande guerre s’engagea, au cours de laquelle il tenta par la mobilité de ses troupes de suppléer à leur infériorité numérique. Vaincu au terme de quatre années de combats, affaibli par la soumission de nombreuses tribus, il dut se réfugier au Maroc à la fin de 1843, mais il réussit à entraîner le sultan ‘Abd al-Rahm n dans la guerre contre les Français. Après les bombardements de Tanger et de Mogador et la défaite de l’armée marocaine à la bataille de l’Isly (14 août 1844), le sultan se résigna à la paix. Abd el-Kader, déclaré hors la loi au Maroc, se cantonna près de la frontière algérienne puis, profitant de nouveaux mouvements insurrectionnels déclenchés par la confrérie des Ta 稜biyya en 1845, il reparut en Algérie. Ses succès (Sidi Brahim, 23 sept. 1846) firent craindre aux Français son triomphe définitif. L’armée française, forte de 106 000 hommes répartis en dix-huit colonnes opérant simultanément, parvint à le rejeter de nouveau au Maroc. Le sultan, qui redoutait désormais en lui un compétiteur, le fit pourchasser. Alors l’émir des Croyants préféra se rendre aux Français, le 23 décembre 1847.

Manquant à la promesse qui lui avait été faite de le transporter avec les siens à Alexandrie, le gouvernement de Guizot, puis ceux de la IIe République, tout aussi méfiants, le retinrent prisonnier en France. Mais de nombreux Français lui témoignèrent égards et amitié. Le prince-président Louis-Napoléon, homme généreux, fut de ceux-là: le 16 octobre 1852, il vint lui-même annoncer à l’émir sa mise en liberté et un traitement digne de son rang pour s’établir à Brousse en Turquie.

Ces cinq années de séjour forcé en France révélèrent cependant à Abd el-Kader ce qu’étaient la civilisation et la religion chrétiennes et expliquent peut-être qu’il ait pu songer plus tard à un rapprochement islamo-chrétien.

Dans la troisième partie de son existence, qui se déroula tout entière dans le Proche-Orient, de 1852 à 1883, Abd el-Kader se consacra presque exclusivement à l’étude et à la méditation religieuses. Cette orientation répondait à une vocation profonde; dès sa jeunesse, il avait manifesté le goût de l’oraison et de l’exercice mystique. À Brousse, il rédigea un traité de philosophie religieuse à l’usage des chrétiens qu’il intitula Rappel à l’intelligent, avis à l’indifférent. Installé à Damas, où il vécut de 1855 jusqu’à sa mort, il prit figure de maître spirituel: son enseignement y fut recueilli. Une partie de ses propos et de ses commentaires écrits a été publiée sous le titre Le Livre des haltes (mystiques), très partiellement traduit en français. Cet ouvrage, dont la splendeur littéraire frappe, révèle la profondeur du mysticisme de l’émir. Il s’y affirme disciple d’un des plus grands soufis de l’Isl m, Ibn ‘Arab 稜, le Shaykh al-akbar (ce qu’on a pu traduire par Doctor maximus de la gnose islamique). Ainsi s’explique la volonté d’Abd el-Kader d’être inhumé à Damas près de la tombe d’Ibn ‘Arab 稜.

Bien qu’il se tînt désormais à l’écart des affaires politiques, Abd el-Kader s’occupait activement de la colonie des muh jir 稜n (émigrés pour la foi) algériens qui affluaient à Damas. Cela l’obligea à solliciter parfois l’aide de l’empereur Napoléon III. Mais s’il intervint, en juillet 1860, lors des émeutes antichrétiennes de Damas, ce fut seulement, expliqua-t-il, «par devoir de religion et d’humanité». En prenant sous sa protection et celle de ses Algériens plusieurs milliers de maronites et d’Européens, il leur permit d’échapper aux massacres.

Ce geste, qui eut un grand retentissement en Europe, attira à nouveau l’attention sur lui. Il fut décoré de l’ordre de Pie IX et reçut la grand-croix de la Légion d’honneur. La franc-maçonnerie lui proposa de le compter parmi les siens et l’émir, qui voyait en elle une institution de haute spiritualité religieuse, accepta d’être initié le 18 juin 1864. Lors de l’expédition militaire française en Syrie (août 1860-juin 1861), certains publicistes français, plus ou moins officieux, suggérèrent de le placer à la tête d’un futur empire de nationalité arabe. Une étude anonyme s’intitulait: «Abd el-Kader empereur d’Arabie» (1860). Or Napoléon III rêvait bien de son côté de reconstituer, au sein de l’Empire ottoman ou contre lui, une «nation arabe», et il songeait à Abd el-Kader comme souverain d’une Syrie arabe. Mais l’émir algérien, averti que les troupes françaises voulaient venir à Damas, se déroba. En août 1865, Napoléon III, qui pensait toujours à faire de la Méditerranée une zone d’influence française, le fit à nouveau sonder «au sujet de la constitution en Syrie d’un État arabe indépendant dont il aurait été le souverain». Abd el-Kader répondit que depuis 1847 «sa mission était finie: Dieu lui-même lui avait ordonné de déposer les armes».

Pour les mêmes raisons, malgré les craintes des Français d’Algérie et les espérances de certains Algériens, il ne songea nullement à rentrer en Algérie. Les bruits qui circulèrent en France sur la possibilité de l’introniser comme souverain d’un royaume arabe d’Algérie ne reposaient que sur des malentendus. Enfin, en 1871, Abd el-Kader désavoua publiquement les intrigues antifrançaises de son fils aîné et blâma ceux qui se servaient de son nom pour soulever l’Algérie. Il n’y a pas lieu de supposer que ses lettres de condamnation soient apocryphes ou qu’il fût devenu un agent de la France: Abd el-Kader agissait en mystique que Dieu avait arraché au monde de la politique. Il mourut à Damas le 26 mai 1883. Après l’indépendance de l’Algérie, son corps a été transporté au cimetière des «martyrs» à Alger.

Abd el-Kader
(`Abd al-Qâdir) (v. 1808 - 1883) émir d'Algérie. Il mena la guerre sainte contre les Français, qui reconnurent son autorité sur les deux tiers de l'Algérie (traités de 1834 et 1837), mais il reprit la lutte en 1839. La perte de sa smala, enlevée en 1843 par le duc d'Aumale, mit fin à son action.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужно сделать НИР?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Abd-El-Kader —  Pour l’article homonyme, voir le prénom Abdelkader.   Pour l’article homonyme, voir la ville Elkader.  …   Wikipédia en Français

  • Abd-el-Kader —  Pour l’article homonyme, voir le prénom Abdelkader.   Pour l’article homonyme, voir la ville Elkader.  …   Wikipédia en Français

  • Abd El-Kader —  Pour l’article homonyme, voir le prénom Abdelkader.   Pour l’article homonyme, voir la ville Elkader.  …   Wikipédia en Français

  • Abd El Kader —  Pour l’article homonyme, voir le prénom Abdelkader.   Pour l’article homonyme, voir la ville Elkader.  …   Wikipédia en Français

  • Abd al-Kader — Abd el Kader um 1850 Haddschi Abd el Kader oder Abd al Qadir (eigentlich Sidi el Haddsch Abd el Kader Uled Mahiddin; arabisch ‏عبد القادر الجزائري‎ Abd al Qadir al Dschaza iri, DMG ʿAbd al Qādir al Ǧazāʾirī, „Abd el Kader, der Algerier“; * 6.… …   Deutsch Wikipedia

  • Abd el Kader — um 1850 Haddschi Abd el Kader oder Abd al Qadir (eigentlich Sidi el Haddsch Abd el Kader Uled Mahiddin; arabisch ‏عبد القادر الجزائري‎ Abd al Qadir al Dschaza iri, DMG ʿAbd al Qādir al Ǧazāʾirī, „Abd el Kader, der Algerier“; * 6. September …   Deutsch Wikipedia

  • Abd el-Kader — um 1850 Haddschi Abd el Kader oder Abd al Qadir (eigentlich Sidi el Haddsch Abd el Kader Uled Mahiddin; arabisch ‏عبد القادر الجزائري‎ Abd al Qadir al Dschaza iri, DMG …   Deutsch Wikipedia

  • Abd el Kader — (paquebot) Abd el Kader est le nom donné à un paquebot de la Compagnie générale transatlantique, en souvenir de l émir algérien Abd el Kader (1808 1883). Abd el Kader Type : Paquebot H …   Wikipédia en Français

  • Abd al-Kader — Saltar a navegación, búsqueda Abd al Qadir Obtenido de Abd al Kader …   Wikipedia Español

  • Abd el Kader — (über die Bedeutung des Namens s. Abd), Sidi el Hadschi Abdel Ka der Uled Mahiddin, Araberhäuptling, geb. 1807 in der Ghetna bei Mascara, gest. 26. Mai 1883 zu Damaskus. Als Sprößling einer Priesterfamilie (Marabuts), die ihren Stamm bis zu den… …   Meyers Großes Konversations-Lexikon

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”